Education : Pourquoi les jeunes se désintéressent de la lecture ?
Au Mali, la jeunesse arrive difficilement à se créer des habitudes pour la lecture. Si certains observateurs estiment que cet état de fait est dû à la culture de l’oralité qui occupe une place de choix dans l’éducation, d’autres associent cela à l’école. Les livres numériques ou physique peinent à gagner de la place dans le cœur de la jeunesse malienne. La situation interpelle plus d’un.
Malgré le développement des nouvelles technologies qui viennent renforcer le dispositif des écoles, des lycées et des universités qui disposent pour la plupart des bibliothèques, l’intérêt des jeunes pour la lecture reste un défi face à l’émergence des réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux et autres applications numériques ne sauraient être les seules raisons de ce désintérêt. Moussa, étudiant en 2e année Informatique comme beaucoup d’autres jeunes trouvent un intérêt particulier à lire les livres numériques : « personnellement je préfère les livres numériques. Je peux ainsi lire sur ma tablette. Lire à l’écran me procure une plus grande motivation », confie-t-il.
Relatif au nombre de livres qu’il arrive à lire par an , il répond : « honnêtement je ne lis pratiquement pas maintenant, ce n’est pas par ce que je manque de temps mais je trouve toujours le moyen de faire autre chose plutôt que de lire. Quand je suis obligé ou que j’ai un devoir là je m’exécute ».
Selon Malick M’Baye, chef section à la direction nationale des archives du Mali :« Les jeunes viennent à la bibliothèque nationale pour travailler sur leurs mémoires ou encore sur des articles. Il se font rares dans les bibliothèques. Avec les smartphones, beaucoup de jeunes sont obnubilés par le côté distraction plutôt que le côté éducatif de ces appareils. Les réseaux sociaux prennent beaucoup plus de place pour les jeunes par rapport aux livres ».
Créer à la maison un environnement favorable à la lecture
Au Mali la présence d’une bibliothèque dans les familles est très rare. Au cas où elle existe, elle est très souvent inexploitée et fait office de décoration. « La culture de la lecture se développe d’abord à la maison. Les enfants imitent 90% de ce que font les parents, ce qui leur permettront de voir la lecture comme une manière de s’amuser. Il faut que la famille aide l’école à développer cette culture de la lecture au lieu que ça soit une obligation imposée par l’enseignant », explique Malick M’Baye.
La salle de lecture de la bibliothèque nationale du Mali regorge d’un grand nombre d’œuvres littéraires. Autour des tables, une quinzaine de personnes assises, avec des documents en mains. « L’accès aux documents est gratuit mais cela ne change en rien la faible affluence des jeunes ici. Nous constatons des changements seulement en période d’examen et de concours où il y a un peu plus de visiteurs. Parmi lesquels les étudiants, les enseignants, les lycéens et des jeunes diplômés sans emploi. Tous ne viennent pas pour lire, certains viennent pour apprendre leurs leçons faute d’avoir un endroit tranquille chez eux et d’autres viennent faire des recherches », indique Diadié Koné, chef de division de la bibliothèque nationale.
Aussi, ajoute-t-il : « La salle de lecture de la bibliothèque nationale enregistre moins de 2.000 visiteurs par mois, L’année dernière nous avons enregistré 23.248 visiteurs et tous ne viennent pas pour lire ».
Dans les lycées et les universités, les professeurs ont recours à beaucoup de ruses pour faire en sorte que leurs apprenants lisent ne serait-ce que les livres inscrits au programme. C’est le cas de Nouhoum Coulibaly, Chargé des cours de Lettres au lycée Cheicknè Togola et par ailleurs poète et écrivain : « L’une des choses que nous les professeurs constatons au niveau des étudiants est tout d’abord un manque total d’intérêt pour les livres. Ils se contentent très souvent à faire une lecture transversale du livre mais pas vraiment en profondeur, juste pour avoir une note passable. Pour m’assurer qu’ils lisent je passe très souvent par des jeux, des histoires et je mets en avant beaucoup plus l’aspect sentimental de l’œuvre pour les pousser à lire en intégralité. Puisse qu’ils sont plus intéressés par les histoires romantiques », explique l’enseignant.
A travers des projets et des initiatives des jeunes visant à faire la promotion du livre et de la lecture, l’espoir renaît. Les clubs de lecture, les programmes d’ateliers de lecture et d’écriture sont devenus de moyens pour remédier à cette situation.
« Aujourd’hui je suis à la bibliothèque nationale section jeunesse pour mettre un peu d’ordre dans les livres et préparer la salle en attendant la séance de lecture animée avec les enfants. J’ai initié cette activité pour transmettre à travers mon club et mes ateliers de lectures, aux enfants le goût de la lecture. Cela permettra de créer chez les enfants une habitude et non pas un devoir qu’ils associeront à l’école. Afin qu’ils changent le regard qu’ils porteront en grandissant sur la lecture et les livres », détaille Oumou Ahamadou Goudam, étudiante en Sciences Politiques et Relations Internationales, initiatrice du club Mandé lecture.
Bintou DIABATÉ