Doukhane tchadien, encens au cœur du secret des couples

L'usage de l'encens, communément appelé doukhane, est généralisé au Tchad. Cette substance odorante est utilisée avant tout pour chasser ou du moins masquer les odeurs corporelles. Il sert aussi à purifier la chambre de son atmosphère désagréable. Dans le contexte tchadien, le Doukhane occupe une place importante dans la vie de la femme au foyer. Association de plantes et de coquilles d'espèces aquatiques et de parfum, cet encens made in Chad procure à celle qui en fait usage un climat d’attirance et d’admiration.

Depuis sa découverte vers l’antiquité égyptienne d'après les recherches publiées, l’encens est utilisé avant tout pour neutraliser les mauvaises odeurs. D’origine indienne et des pays du Moyen-Orient, il est d'usage dans presque tous les coins du Tchad. Certains des ingrédients servant à sa fabrication, sont importés du Nigeria et du Sénégal.  Traversant les époques et les frontières, son usage varie d’un pays à un autre avec différentes fonctions. Dans certaines régions, il est d’une vertu thérapeutique et des valeurs spirituelles entourent son utilisation. Mais au Tchad, il représente un élément important dans l'union des cœurs qui s'aiment.

Arme de séduction et de charme, le Doukhane est plus qu’un secret de la longévité dans certains couples au Tchad. Au contact des produits occidentaux comme l’eau de Cologne, les femmes tchadiennes ont développé un véritable savoir-faire autour du mélange pour sa senteur séduisante. Elles y ajoutent également du parfum traditionnel comme complément. L'’usage de l’encens connait ainsi une évolution au fil de temps. De sandal à gamari, en passant par irik, la tendance est aujourd’hui à houmra : des matières artisanales prises en compte dans la production de doukhane.

Initialement utilisé pour des rites sacrés, certains l’utilisent aujourd’hui selon leurs propres croyances et expériences, d'autres en font usage pour purifier la maison afin de mieux dormir ou se donner de l’énergie. La femme tchadienne elle, l’utilise pour maintenir la vie conjugale en parfaite harmonie. Il est souvent appliqué tard dans la nuit ou au grand matin. Ce sont des moments idéals choisis pour séduire son époux avec ces bois émiettés ou coquillages moulus parfumés. Selon Madame YVES YAMDANA, commerçante d’encens depuis 24 ans, le Doukhane retient le mari à la maison. « Lorsque qu’il rentre du boulot et s'il trouve que la maison est bien parfumée et qu'un bon plat lui est servi, il n’a rien à faire dehors. Il ne peut que se reposer, plutôt que d’aller se promener avec les copains et les copines dehors », affirme-t-elle avec conviction. L’encens constitue alors une arme de charme et de séduction par excellence.

Dans certaines communautés de culture arabo-musulmane pour la plupart, son usage est exclusivement réservé aux femmes mariées, explique HADJE ISATA, septuagénaire. Pour elle, ces brindilles parfumées constituent plus qu’un secret de longévité dans son foyer. « Dans les années soixante, une femme qui sait bien faire et appliquer le doukhane, ne serait à jamais divorcer. L'encens qu'elle utilise est spécifique et ne saurait se trouver ailleurs. Nous avions vu des femmes qui étaient en voie d’être divorcées, mais grâce à leur savoir-faire de l’encens et leur charmant parfum, elles ont été réconciliées d'avec leurs époux », raconte-t-elle.

Selon certaines traditions, le secret de fabrication de ce produit de charme est transmis aux jeunes filles au moment du mariage. C’est pourquoi, il fait partie des présents de haute valeur à offrir lors du mariage dans certaines contrées du Tchad. Un ou des millions de franc sont souvent mobilisés pour le besoin de la cause.  L'encens dans la réalité tchadienne, demeure ainsi un « truc » de couples. Aujourd'hui, sa consommation traverse les frontières, comme pour dire qu'il séduit au-delà du pays.

ALHADJI BOUGAR MAHAMAT HASSAN