« Alida » ou le piment made in Mali à la conquête du marché mondial

Le secteur agro-alimentaire se développe de plus en plus au Mali. A la tête de DIDJA FERME SARL depuis 6 ans, Kadiatou Konta vient de créer une marque de piment en liquide dénommée « Alida ». Un produit made in Mali que la jeune entrepreneuse compte imposer sur le marché local avant de conquérir les marchés sous-régional et international pour faire du Mali le « leader de la transformation du piment ». Dans l’entretien qui suit, la promotrice d’« Alida » dit croire en ses rêves au regard de l’étendue des terres cultivables et de la quantité de piment frais cultivé mais peu transformée pour faire plus de rentabilité. En gros, la promotrice indique que son objectif est de limiter l’importation des produits alimentaires manufacturés et œuvrer à la réduction des pertes agricoles.

Pourquoi avoir attribué le nom Alida à votre produit ?

J'ai choisi Alida parce je voulais un nom plus particulier pour mon produit et quelque chose de moderne. Avec Alida, je voyais un produit qui va traverser les frontières et auquel tous les peuples vont pouvoir s'identifier. Actuellement, le Mali traverse une période difficile. Ce qui fait que les gens de l’extérieur ont une perception plus ou moins négative sur le pays. Ma démarche consiste ainsi à donner une autre image plus reluisante que celle de la crise dont tout le monde parle. Je voudrais que les autres sachent aussi qu'au Mali les choses bougent, que les gens travaillent. Qu’il y a des innovations tous les jours et malgré les tumultes de bonnes choses se réalisent comme « Alida ».

Comment l’idée de la production du piment en liquide vous est venue ?

L'idée du piment liquide est une volonté personnelle de vouloir changer la traditionnelle sauce piment qu'on consomme beaucoup au Mali et qui contient souvent beaucoup de sel qui n’est peut-être pas bon pour les personnes qui ont des problèmes d'hypertension artérielle. Et aussi, parce que je me suis rendue compte que le Mali importait de l'huile piquante du Rwanda, pourtant il y a tout ici pour produire sur place. La décision est venue de là. J'ai suivi une formation pour maîtriser la technique de production. Et quelques mois plus tard « Alida » est né.

Quels sont les composantes du piment Alida ?

« Alida » est essentiellement composé de l'huile végétale raffinée et du piment frais. Comme je l'ai dit, c'est de l'huile piquante, mais c'est la forte quantité de piment qui est contenue qui fait en sorte qu'on dise piment liquide. En réalité c'est du jus concentré de piment mélangé à de l'huile végétale raffinée.

Pourquoi avoir choisi de produire le piment en liquide et non le piment en poudre qui est beaucoup consommé au Mali ?

C’est pour apporter quelque chose de nouveau sur le marché. Au Mali tout est un peu statique. Les gens ne partent pas chercher loin surtout dans le secteur de la transformation agroalimentaire, pourtant les rayons de nos supermarchés sont bondés de produits importés. Au Mali on produit énormément de piment et qui pourrit aussi beaucoup par faute de transformation. J'ai trouvé ça vraiment dommage et je me suis dit qu'on peut tout importer au Mali sauf le piment. Peu importe sa forme. Donc la mission derrière cette initiative est de limiter l’importation des produits alimentaires manufacturés et la réduction des pertes agricoles.

Quelle quantité avez-vous déjà produit ?

Déjà à la base je suis agricultrice et éleveuse. Donc je suis beaucoup engagée dans ces activités-là. « Alida » à la base était un test et je crois que les consommateurs sont en train d'apprécier. Donc pour ce qui est de la vente, « Alida » est encore dans ses débuts. Donc je ne peux pas encore parler de vente. Mais ça promet.  Au regard des perspectives, je crois que « Alida » Piment va se démarquer sur son marché.

Comment comptez-vous faire face à la concurrence des piments importés ?

Je mise beaucoup sur la qualité de mon produit. « Alida » est vraiment fort. Quand on le goûte on sent vraiment du piment et ça chauffe comme nous les Maliens nous aimons. Contrairement aux produits concurrentiels que je respecte de par leur qualité, « Alida » ça pique fort. Ce qui est d'ailleurs mon slogan.

Votre entreprise a été créée depuis combien de temps ?

DIDJA FERME SARL a été créée depuis environ 6 ans. Elle a comme activités principales l'agriculture et l'élevage. Au départ, on faisait un peu la transformation agroalimentaire, notamment dans la production de l'huile de poisson. Après on a arrêté parce que le champ prenait énormément de temps. C'est la crise politique qui m’a un peu poussée vers la transformation agroalimentaire. Avec cette cherté de la vie, pourquoi importons-nous encore certaines choses alors que les systèmes agricoles locaux sont en déséquilibres ? Pourtant nous devons plus que jamais produire pour encourager la croissance économique qui a subi un gros coup ces derniers mois.

Combien de personnes employez-vous ?

Je travaille actuellement avec 5 personnes

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées pour la réalisation d’un tel projet ?

Premièrement, le packaging a été mon plus gros problème et ça le reste encore. Au Mali, presque tout est importé, à l'instar du packaging. C'est assez difficile de trouver un emballage qui répond parfaitement à nos attentes. Les fournisseurs maliens proposent des petites éditions limitées et peu diversifiées. Ce qui fait que tous les produits se ressemblent parce qu'ils sont conditionnés dans des emballages identiques et moi je ne voulais pas ça pour « Alida ». Je voulais que mon produit se distingue de par sa forme que son contenu.

Comment avez-vous surmonté ces difficultés ?

Je ne dirais pas encore que je les ai surmontées. Je cherche encore des solutions à cela. Mais en attendant, on va faire avec.

Quels sont vos objectifs à court et à long termes ?

 Pour les objectifs à court terme, c'est d'abord de développer des partenariats avec les acteurs locaux de la chaîne de distribution. Ensuite multiplier les points de vente des produits Alida et développer davantage ma clientèle. Quitter du stade artisanal actuel et monter une unité de production avec des équipements. 

Comme objectif à long terme, j’ambitionne devenir leader de la transformation du piment au Mali et dans la sous-région. Réunir plusieurs coopératives d’agriculteurs travaillant dans la filière du piment au Mali et dans la sous-région. Et pourquoi pas exporter « Alida » au-delà de la sous-région et même conquérir le marché régional et international pour faire entrer des devises.  Et placer le piment N°1 des exportations du Mali pourquoi pas comme le Rwanda a pu le faire ? Le piment nous en avons et les terres aussi pour cultiver plus.

Qu’est-ce qui différencie le piment « Alida » des autres piments ?

Déjà sa forme liquide, ensuite son goût. Les gens peuvent se dire sûrement que ça ne pique pas comme nous on aime... « Alida » piment c'est du volcan. Les gens l'ont même d'ailleurs surnommé ainsi. Et c'est plus pratique, facile à transporter. Ça répond aussi au prestige parce que cette forme de piment n'est connue que par une certaine classe sociale. Et c’est aussi la raison pour laquelle le grand public est un peu réticent parce qu'il ne connaît pas cette forme. Pourtant une autre forme de ce piment est importée et vendue 2 fois plus cher que « Alida » et les gens l'achètent quand même. Mais je crois fermement à mon projet et à la qualité de mon produit.

Interview réalisée par Alassane CISSOUMA