Le cancer du sein : l’autopalpation peut vous sauver la vie
Le cancer du sein est le premier au classement des cancers les plus fréquents au Mali. Toutefois, il peut être traité et guéri lorsque le diagnostic est fait à temps. Le cancer du sein n’est plus une maladie de vieillesse, il affecte de plus en plus de jeunes femmes avec une moyenne d’âge qui atteint la quarantaine dans le pays. Face au nombre croissant de malades, l’autopalpation régulière peut sauver des vies. Pour en savoir plus, Dr Madani LY, cancérologue médicale, chef du service d’oncologie médical du CHU Mère et Enfants du Luxembourg de Bamako a répondu aux questions de la rédaction de Radio Jeunesse Sahel (RJS).
RJS : Qu’est-ce que le cancer du sein ?
Dr Ly : On parle de cancer du sein quand l’unité fonctionnelle du sein, autrement appelée cellules, se met à se multiplier de façon anarchique et incontrôlée et qui va donner naissance à une boule ou tuméfaction qui est une présence de tumeurs au niveau du sein. Cette tuméfaction a la capacité de se multiplier dans le temps et surtout les cellules peuvent se détacher de cette tumeur qui a pris naissance au niveau du sein, circuler à travers les vaisseaux sanguins colonisés d’autres parties de l’organisme notamment le poumon, le foie, les os et le cerveau. C’est ce qui fait la gravité du cancer du sein et de l’ensemble des cancers et qui met en danger la vie des malades.
RJS : Comment se manifeste le cancer du sein ?
Dr Ly : Le cancer du sein se manifeste de plusieurs manières. Il peut s’agir de l’apparition d’une boule au niveau des seins que la femme peut découvrir elle-même à travers la palpation. Cela peut être à travers des douleurs aux seins, une plaie spontanée sans avoir été blessée. Elle peut également ressentir des démangeaisons qui ne se calment pas. Certaines femmes remarquent des déformations au niveau du sein et un changement de l’aspect de la peau. C’est-à-dire, la peau qui prend l’aspect d’une orange. Et enfin, il peut avoir des femmes qui ont des écoulements sanguinolents des tétons. Dans certaines situations, la femme peut constater une boule dans le sein, mais comme elle ne ressent pas de douleurs, elle banalise. Malheureusement cela peut aller loin si le cancer commence à se former sur d’autres organes et conduire à des complications qui auraient pu être évitées. Les symptômes peuvent donc venir de tous les organes en dehors du sein, une fois que le cancer est avancé.
RJS : Quelle est la cause ou les facteurs de risque du cancer du sein ?
Dr Ly : La cause exacte du cancer n’est toujours pas connue, mais il y a ce qu’on appelle les facteurs de risques. Ces facteurs de risque sont clairement établis comme suit : les facteurs modifiables et les facteurs non modifiables.
Les facteurs non modifiables étant d’abord l’âge, plus une femme avance en âge, plus elle risque de développer le cancer du sein au cours de sa vie. Certes, on ne peut rien contre l’avancement de l’âge, mais on peut néanmoins détecter tôt à travers le dépistage qui est la mammographie. En occident, c'est à partir de 50 ans, au Mali et en Afrique subsaharien les études montrent qu’il est préférable de commencer le dépistage à partir de 40 ans.
Il y a également les facteurs hormonaux notamment les menstrues. Tout cela augmente les risques de cancer du sein dans sa vie. C’est-à-dire qu’elle sera exposée aux hormones de la féminité pendant longtemps, augmentant ainsi les risques. Les facteurs génétiques sont à risque, une femme qui a des antécédents de cancer du sein dans sa famille est susceptible de développer la même maladie par rapport à une autre qui n’a pas les mêmes antécédents, elle est à surveiller.
Dans certaines familles, il y a des gènes de prédisposition au cancer du sein (brca1, brca2). Il y a dans ce cas des modifications génétiques que les enfants (femmes comme hommes) vont faire le cancer du sein.
Cependant, il y a les facteurs modifiables qui sont liés à notre comportement et notre environnement de vie. Parmi ces facteurs, nous pouvons citer : l’obésité, la cigarette ou encore la chicha, l’alcool ainsi que la pollution. Il est donc important d’avoir des habitudes de vie saine pour pas seulement le cancer mais pour notre santé en général.
RJS : Comment se fait le diagnostic du cancer du sein ?
Dr LY : Une femme qui vient en consultation chez un oncologue, ce qui va nous tiquer en premier lieu, c'est son âge. Une jeune femme qui à moins de 30 et qui a le cancer du sein ce n’est pas normal. Une enquête est menée au niveau de sa famille. Le dépistage du gène brca1 et brca 2 ne se font pas systématiquement chez tout le monde. Et seule la biopsie (un prélèvement d'une très petite partie d'un organe ou d'un tissu pour effectuer des examens) permet de dire qu’une personne a le cancer. On peut avoir une tumeur au sein qui peut être bénigne ou maligne. De nos jours au Mali, il y a des laboratoires qui sont à mesure de le faire, mais cela coûte très cher et ce n’est pas pris en charge par l’assurance maladie (AMO).
RJS : Quels gestes faut-il avoir pour détecter et se protéger du cancer du sein ?
Dr Ly : L’autopalpation est le geste que toutes les jeunes femmes doivent apprendre à faire, cela ne coûte rien, il s’agit de se mettre devant son miroir et palper les seins. Pour une première fois, elle peut se faire aider par son gynécologue. Une fois que vous maitrisez le geste, apprenez-le à toutes les femmes de votre entourage pour que ça devienne un mouvement dynamique. Parce que ce geste, si vous avez le cancer un jour, vous sauvera la vie, parce qu’il sera découvert tôt. Le cancer du sein découvert tôt au Mali est égal à la guérison à 100%.
RJS : En fonction du stade de la maladie, quelles sont les possibilités de traitement ?
Dr Ly : Une fois que la biopsie révèle le cancer, nous faisons ce qu’on appelle le bilan d’évolutivité du cancer. C’est ce qui nous permet de classer le cancer à partir du stade 1 au stade 4. Le stade 1 étant le tout début, et le stade 4 ce qu’on appelle métastase (atteinte d’autres organes). La prise en charge du stade 3 et 4, c'est à peu près pareil puisque c’est la même dynamique. Et le stade 1 et 2 la seule nuance étant qu’au premier stade, on conserve le sein. Cela sous-entend que derrière cette chirurgie, il y a la radiothérapie pour éviter que la maladie ne revienne.
Actuellement au Mali, la radiothérapie étant en panne, une patiente qui vient avec un cancer de stade 1, qui n’a pas les moyens d’aller faire cela à l’extérieur du pays, va malheureusement subir l’ablation des seins. L’objectif étant surtout de lui sauver la vie et lui permettre de guérir. La stratégie thérapeutique est ainsi définie, il y a les médicaments systémiques ou encore la chimiothérapie, ce sont des médicaments misent à travers les veines qui ont pour objectif de détruire les cellules tumorales partout dans l’organisme.
Ensuite, la chirurgie accompagnée de radiothérapie intervient également quand le cancer est au stade 3 et 4 donc trop volumineux, mais cette fois-ci pour l’ablation des seins. 80% de nos patientes viennent malheureusement au stade 3 ou 4 et malgré tous les traitements l’espérance de vie est réduite à 3 ou 4 ans. En cas d’ablation des seins, nous travaillons avec des psychologues pour aider ces femmes à accepter et vivre sans seins. Aussi de nos jours au Mali il y a des chirurgiens plastiques qui peuvent aider les jeunes femmes avec la reconstruction des seins. Tout ceci a un coût et la majorité des patientes ne peuvent pas se le permettre. À travers notre association, nous travaillons afin que la prise en charge de certaines pathologies soient assurées par la couverture sociale.
Bintou DIABATÉ