Promotion de la cohésion sociale au Niger : Le thé contribue au renforcement des liens sociaux

27 février 2023

La consommation du thé, également appelé « Shaï » ou « Atai » respectivement en langues Hausa et Zarma, est une pratique culturelle importante au Niger. Dans tous les coins et recoins du pays, les gens en consomment pour plusieurs raisons. Hommes et femmes, à partir de 14 ans, en préparent et en boivent, même s’il y a quelques exceptions. Dans les « Fadas », regroupements informels de personnes, généralement autour du thé, divers sujets sont discutés.

Il est 16h à la Fada d'Amadou Hamidou le couturier, dans le quartier Sonuci de la capitale nigérienne Niamey, ce vendredi 17 février 2023. Il vient de sortir de son atelier pour prendre un peu plus d’énergie, afin de continuer son travail, celui de confectionner des tenues à ses clients. Pour ce faire, il dispose de trois chaises pour deux de ses amis qui vont bientôt le rejoindre. Pendant ce temp, il met le thé vert dans une théière qu’il dépose sur un feu de braise dans le petit fourneau. Pour la préparation, il faut de la menthe pour aromatiser, du sucre pour rendre le goût agréable et un peu de patience pour laisser mijoter le thé communément appelé « Shaï » en langue Hausa.

Cette appellation est beaucoup utilisée par les différentes communautés nigériennes notamment celle Touaregs. Trente minutes plus tard, après qu’Amadou ait mis en place son dispositif d’accueil, ses amis le rejoignent pour échanger autour du délicieux thé qu’il sait bien préparer. Pour Amadou, il n’y a pas de secret pour préparer un thé. « Il faut juste être patient » a-t-il confié.

Le Niger n'est pas un pays traditionnellement connu pour la production de thé. Cependant, sa consommation est très répandue dans tout le pays, notamment dans les régions du Nord, de l’Ouest, l'Est et du Centre.

Ph: RJS

Si certains prennent le thé pour avoir de l’énergie et être mieux en forme, d’autres, en prennent pour diverses raisons. En effet, les populations nomades notamment les Touaregs semblent en donner plus d’importance. « Le thé doit être régulier et permanent après chaque repas », a laissé entendre Mohammed Bachir, un ami Touareg d’Amadou, qui dit avoir hérité cet amour pour le thé de son grand-père qui aimait beaucoup en prendre.

 Selon Ali Tajoussir Ahmed, touareg, par ailleurs promoteur de Awal Media, la consommation du thé par les Touaregs remonte à une période lointaine. « Quand un touareg reçoit un hôte, la première chose à faire pour lui manifester sa générosité, c'est de lui poser le thé au feu », confie Ali Tajoussir Ahmed.

Autour du thé, on promeut les valeurs de cohésion sociale et du vivre-ensemble

La consommation du Shai est une pratique qui est très répandue dans tout le pays et son partage est souvent considéré comme un symbole d’hospitalité, de convivialité et de respect. A l’image de ce que représente l’arbre à palabre, les gens se réunissent aussi autour du thé pour discuter de divers sujets, des évènements de la journée et certaines questions profondes de la vie.

Après la « Fada » d’Amadou Hamidou le couturier, nous nous sommes rendus dans la cour familiale de Nafissa Aboubacar. La mère quadragénaire de cinq enfants prépare le thé, dans sa maison qui sert de « Fada » pour les femmes qui viennent passer du temps avec elle et profitent pour goûter à son thé. « Son thé est spécial pour nous parce qu’ici, il n’y a aucun sujet tabou. Nous parlons de tout sans gêne. Nous sommes entre femmes et le message passe » a confié Ramatou Moussa.

Ph: RJS

Nafissa Aboubacar profite de ce rendez-vous pour sensibiliser ses sœurs à être de bonnes épouses pour leurs maris. Elles se donnent mutuellement des conseils pour qu’elles entreprennent afin d’être plus autonomes.

Ce genre d’initiative, l’ONG « la Fada des filles » l’a également pensé.

Pour la présidente Boubacar Zakou Zeynabou, les Fadas peuvent être des tremplins pour sensibiliser sur plusieurs sujets comme la paix et les violences basées sur le genre. D’après elle, grâce à la méthode de sensibilisation de son ONG à l’endroit des Fadas, des jeunes victimes ou témoins de ce genre de violence arrivent à témoigner. C’est le cas d’un enfant qui a récemment déclaré avoir été témoin des coups de son géniteur sur sa mère. Pour ce genre de cas, l’ONG la « Fada des filles » met tout en œuvre pour apporter son soutien.

En plus du renforcement de la cohésion sociale, le thé, selon Dr Haoua Haram, médecin cardiologue, est riche en antioxydants, ce qui peut aider à prévenir les dommages cellulaires et à réduire le risque de maladies chroniques telles que les maladies cardiaques, le diabète et certains types de cancer. Il contient également de la caféine, qui peut améliorer la vigilance et la concentration. Cependant, poursuit-elle, il est important de noter que la consommation excessive voire abusive de thé peut entraîner des effets secondaires tels que l'insomnie, la nervosité et l'augmentation de la fréquence cardiaque. Il est donc recommandé de le consommer avec modération.

Mireille Bailly