Tchad : rites et traditions comme source de stabilité du foyer
Au Tchad, les usages qu’imposent le mariage varient selon les communautés. Du Nord au Sud, les jeunes mariés issus de certaines tribus sont soumis à un certain nombre de pratiques avant, pendant ou après leur union. Pour beaucoup, ces coutumes consolident le mariage.
Le mariage est un lien sacré qui unit l’homme et la femme, et il faut se prêter à quelques usages pour sa validité ou sa consolidation. Fiançailles, enterrement de vie de célibataire, échanges de présents, attributs des mariés, cérémonie, etc. voilà entre autres des exigences qui existent un peu partout dans nos pays. Mais au Tchad, il y a des pratiques spécifiques. Bon nombre de communautés sont reconnues pour leur particularité dans les usages entourant le mariage.
« Dans ma communauté, la mariée et sa belle-mère ne doivent pas se serrer les mains en signe de salutations. Elle (la mariée) ne doit pas non plus, manger en sa présence (la belle-mère) et ce, pour le temps qu'il faut », témoigne Aïcha Issakha Dahaba, tchadienne, originaire du Nord.
Nombreuses sont les familles qui obéissent à ces règles coutumières. Mbailamem Gabriel du groupe ethnique Sara au Sud du pays partage ses expériences : « Ma fille, quand elle voulait se marier malgré son statut de médecin, je lui ai dit : il faut respecter la tradition. Quand tu seras chez ta belle famille, tu ne devras ni manger ni boire en présence de tes beaux -parents. C'est ce qu'elle a effectivement fait », confie-t-il.
Dans d'autres contrées, cette règle qui s'applique dans la plupart des cas aux femmes, ne devra être brisée que lorsque la mariée aura accouché d'un ou de plusieurs enfants. Ali Tobyo Thibaut, étudiant en faculté de Droit à l’Université de N’Djamena explique que si sa mère souhaite manger avec son épouse, elle lui donne de l’argent, pour en quelque sorte "acheter sa bouche".
Le jeune marié quant à lui, doit passer ses premières semaines auprès de son épouse pour vivre pleinement son mariage. « D'après mes parents, toutes ces valeurs garantissent la cohésion dans la famille, lorsqu'elles sont respectées », se rappelle Khadidja Mahamat, juriste en formation.
Dans le passé, la violation de la tradition par une mère pouvait être source de malédiction pour ses filles. « Je connais des femmes qui ont violé la coutume et dont les enfants ont raté leur mariage, juste parce que les gens ont gardé la mauvaise image de leurs parents », témoigne Brahim Mahamat, quinquagénaire, originaire de l’Est du Tchad. Il ajoute qu'il revient à la femme de transmettre au quotidien les valeurs culturelles à la famille. Malheureusement, il y a comme un relâchement dans ce sens à cause du modernisme, regrette plus d'un tchadien.
« Le mariage est une des institutions fondamentales qui permet de construire l’unité sociale qui est la famille », souligne Mbeté Felix, sociologue, en insistant que dans la tradition, on n’épouse pas un homme, on épouse un foyer. Ces valeurs traditionnelles sont un ciment qui consolide le foyer. « Plus tu respectes ta belle-mère ou ton beau- père, plus cela lui fait honneur et crée un climat de paix, de confiance, de cohésion sociale et de fraternité », avance le Sociologue. Selon lui, les jeunes doivent considérer le mariage comme un projet, c’est-à-dire choisir la femme qui incarne les valeurs. « Les parents doivent transmettre ces valeurs à leurs enfants. Toute société qui perd ses valeurs est une société qui s’ébranle », conclut-il.
Alhadji Bougar MAHAMAT HASSAN