« La liberté d’expression et celle de la presse existent au Mali », dixit Bandjougou Danté, président de la Maison de la Presse

19 juin 2023

En marge de la célébration, à travers le monde, de la Liberté de la Presse le 3 mai dernier, la Maison de la Presse (MP) du Mali a consacré une semaine à la commémoration de cette journée. A cette occasion, nous nous sommes entretenus avec le président de la MP sur le regard qu’il porte sur l’espace médiatique malien et sa perception de l’avenir de la presse malienne. Avec environ 200 journaux, 500 radios et plusieurs dizaines de chaînes de télévision, Bandjougou Danté dit s’inquiéter de la floraison « anarchique » médiatique. Entretien.

Radio Jeunesse Sahel (RJS) : la Maison de la Presse a consacré une semaine entière à la commémoration de la Journée Internationale de la Liberté de la Presse en abordant plusieurs sujets. Quelles sont les difficultés de la presse malienne ?

Les difficultés de la presse malienne sont multiples. Mais la plus grande est liée à l’environnement des médias. Cet environnement se caractérise par des textes qui ne sont pas en phase avec non seulement les réalités actuelles du Mali mais aussi avec les réalités du monde compte tenu du développement spectaculaire du monde digital. Autre difficulté, la précarité sans oublier celle liée à la formation. Ce sont autant de questions qui doivent avoir de solutions si nous voulons une presse malienne épanouie.

Avec environ 200 journaux, 500 radios et plusieurs dizaines de chaînes de télévision, Bandjougou Danté dit s’inquiéter de la floraison « anarchique » médiatique au Mali.
Bandjougou Danté, président de la Maison de la Presse/ Mali

RJS : Quelles solutions préconisez-vous ?

La solution que nous proposons d’abord, c’est l’unité d’actions des hommes de médias. Ensuite interpeller les pouvoirs publics à comprendre que chaque société, chaque peuple mérite sa presse et que la presse ne sera que ce que la société et les gouvernants auront voulu. Donc il est important qu’on ait une presse responsable, assainie. Et cela n’est possible que lorsque les textes permettent son épanouissement, sa mise à jour avec les réalités actuelles. Quand cela sera fait, on aura véritablement les entreprises de presse, les journalistes et les patrons de presse. En ce moment, le patron sera fier d’être patron et l’employé sera fier d’être employé dans tel ou tel service qui lui assure le bien-être et la protection nécessaire.

RJS : La presse malienne fait-elle vivre son homme ?

Nous avons une presse malienne plurielle. Elle se caractérise par du bon, du très bon et du mauvais. Si l’espace est assaini et que les meilleurs émergent, il y a des ressources pour tout le monde. Mais le désordre dans lequel nous sommes et la concurrence déloyale dans laquelle nous nous retrouvons font que difficilement les médias survivent et font vivre « son homme ».

RJS : Quel avenir pour les médias traditionnels avec l’avènement des médias en ligne et des réseaux sociaux ?

Les médias traditionnels sont obligés de s’adapter. Les médias sociaux ne sont pas en revanche un problème mais plutôt des opportunités à saisir. Il faudra que les médias traditionnels acceptent le passage au numérique. Et la digitalisation peut générer des ressources. Les médias sociaux ne doivent pas être perçus comme des concurrents mais plutôt des opportunités à saisir pour permettre d’accroitre les revenus.

RJS : Faut-il s’inquiéter ou se réjouir de la floraison des organes de presse au Mali ?

Il faudra plutôt s’inquiéter de la floraison anarchique des organes médiatiques parce qu’on ne peut dépenser des dizaines de millions pour lancer une radio, un journal, une télévision et payer les impôts et qu’au même moment laisser d’autres aller capter les opportunités qui font vivre ces médias. En ce moment, il y a mille et une raisons d’être inquiet.

RJS : Pensez-vous que la presse malienne est libre ?

Il convient de ne pas faire la confusion entre la liberté d’expression en général et la liberté de presse en particulier. Aujourd’hui notre liberté d’expression a pris des formes où toutes les règles sociales sont violées. Un tour sur les réseaux sociaux permet de se rendre compte que des actes contraires à la dignité humaine sont posés à longueur de journée. Cela est punissable par la société, la tradition, la religion et par les lois.

En ce qui concerne la liberté de la presse au Mali, nous avons une vieille tradition de liberté de presse. Et cette liberté de presse peut être menacée sous les différents régimes. Il est important de comprendre que nous sommes dans un contexte où il y a une liberté d’expression qui, comme dans tous les pays, peut être menacée.

 Il faut se battre pour avoir des garde-fous afin que cette liberté ne soit ni remise en cause ni menacée ni perturbée et qu’il faut résister comme cela doit être le cas partout.

Avec environ 200 journaux, 500 radios et plusieurs dizaines de chaînes de télévision, Bandjougou Danté dit s’inquiéter de la floraison « anarchique » médiatique au Mali.
Bandjougou Danté, président de la Maison de la Presse/ Mali

La liberté n’est pas seulement la possibilité de faire correctement son travail mais la finalité de la liberté, c’est l’indépendance. Indépendant par rapport à l’argent, aux relations sociales, etc. La liberté d’expression et celle de la presse existent au Mali. Elles ont souvent été menacées. Elles sont encore menacées aujourd’hui. Mais il faut se battre pour la maintenir.

RJS : Qu’est-ce qui vous tient à cœur pour la presse malienne en tant que président de la Maison de la Presse ?

C’est l’assainissement du secteur. L’adoption des projets de lois et des projets de décrets que nous avons soumis à l’appréciation du gouvernement. Mais aussi le rassemblement des hommes de presse qui doivent comprendre que personne ne fera notre combat à notre place. Nous avons intérêt à être unis plutôt qu’à être dans les faux calculs avec des ambitions parfois démesurées et sans lendemain.

RJS : Avez-vous une idée de ce qui bloque la mise en œuvre de ces projets de loi ?

C’est la volonté politique qui bloque. Ni plus ni moins. Si le blocage était de notre côté, on allait débloquer la situation. Mais malheureusement ce n’est pas nous qui élaborons et adoptons les décrets encore moins nous qui votons les lois.

Entretien réalisé par Alassane CISSOUMA