Le bazin du Mali : plus qu’un tissu, un pan de la culture malienne
Il n’est pas rare d’entendre dire « le bazin de Bamako » comme si ce tissu bien prisé était fabriqué au Mali. Le bazin est un tissu damassé fabriqué en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche ou encore plus récemment en Chine. Initialement utilisé en Europe pour la fabrication du linge de maison (rideaux, nappes), le bazin s’est fait une place dans la mode et même dans la culture malienne.
Une multitude de marques et de qualités
Dans les grands magasins de bazin les marques sont nombreuses. Elles vont de la première qualité ou bazin riche, aux moyennes qualités encore appelés moins riche. « Nous vendons uniquement la marque getzner, il y a getzner 8, madame getzner, empereur et super magnum. La différence se situe au niveau des motifs et du prix. Ils varient entre 7.500, 10.000 et 12.500 F CFA le mètre », a détaillé Bakary Simpara, revendeur de bazin getzner à Bamako. La marque getzner est l’une des premières à fabriquer le bazin déjà teinté, ce qui permet aux consommateurs d’acheter du bazin prêt à être cousu sans passer par l’étape de la teinture : « Nous vendons énormément de bazins teintés et continuons à vendre le bazin blanc pour la teinture artisanale. Nos principaux clients sont des femmes, ce sont elles qui achètent beaucoup plus, elles peuvent être des teinturières comme des femmes au foyer. Nous donnons du bazin aux teinturières avec lesquelles nous collaborons, elles nous envoient des bazins teintés qui sont ensuite vendus dans toute la sous-région ».
Le bazin une tenue des grandes occasions
Au Mali, le bazin est la tenue des grandes occasions : mariages, baptêmes et autres cérémonies. Si certains suivent un phénomène de mode et de tendance, d’autres voient ce tissu comme une tenue valorisante : « j’aime porter du bazin parce que je me sens plus responsable dans un boubou en bazin. En plus, lors des cérémonies, les gens me respectent vu mon habillement », témoigne Sissoko, responsable d’entreprise. Il y a également ceux qui associent ce tissu à un style vestimentaire religieux, c'est ce qu’explique Samba Togola, chef d’entreprise : « J’aime porter du bazin par ce que c’est un tissu qui est intégré dans notre coutume. Pour les baptêmes, les mariages, les vendredis, jour de prière, je m’habille en bazin. Pour moi le bazin est un tissu qui est même associé à la religion musulmane, parce que le jour de tabaski ou encore la fête de ramadan, les gens défilent dans la ville tous en bazin. Si on ne le porte pas, on ne se sent pas vraiment bien habillé ».
Malgré l’arrivée sur le marché ces dernières années des bazins déjà teintés, la teinture ainsi que les métiers tels que le tapage et l’attachage ont sus résister aux changements et à l’évolution du marché. Awa Doucouré, l’une des grandes teinturières de la ville de Bamako, a plus de 30 années de carrière dans le domaine de la teinture. « Je fais ce métier depuis toujours, j’ai grandi auprès d’une mère qui faisait la teinture. C’est le seul métier que j’ai appris. Je travaille avec plusieurs jeunes femmes qui viennent apprendre le métier, ainsi que les tapeurs (ceux qui tapent de bazin pour le faire briller) et aussi avec les attacheurs (ceux qui attachent pour dessiner des motifs) ».
Après l’étape de la teinture, le bazin est trempé dans de l'amidon et séché au soleil ensuite vient l’étape du tapage du tissu. Pour les modèles à motif, le bazin est d’abord attaché avant d’être teinté, cette étape varie en fonction du modèle à réaliser. Malgré l’arrivée des bazins teintés sur le marché, ces corps de métiers arrivent tant bien que mal à survivre : « C’est vrai qu’avec les bazins teintés, le domaine de la teinture n’est plus comme avant, mais il y a toujours des modèles de teintures qui ne sont faisables qu’artisanalement. Aussi, nous avons toujours des clients et connaisseurs qui apprécient notre travail. Nous arrivons donc toujours à pratiquer notre métier, mes commandes viennent de partout dans le pays et même de l’Europe », explique Awa Doucouré.
Faut-il être riche pour porter du bazin ?
Selon Samba Togola « le malien est prêt à tout pour être présentable pour les évènements mondains. En plus ce n’est pas comme si nous vivions en fonction de nos moyens. Je préfère être habillé en bazin qu’avec un autre genre de tissu ». Cependant, il existe d’autres genres de tissus coûteux que le bazin comme les brodés. Mais la population ressent un attachement particulier pour le bazin. C’est ce qu’explique Habi, une jeune informaticienne : « Personnellement, je me sens plus attirée par le bazin que par le wax ou le brodé. J’aime les couleurs et la brillance du bazin. Porté autre chose que du bazin pour un évènement, je ne l’imagine même pas. Je me sens plus à l’aise de parler à quelque qui porte du bazin qu'à celui qui porte un costume trois pièces ».
Bintou DIABATÉ