Association La Perche de l’Inclusion : redonner le sourire à ceux qui l’ont perdu
Au Burkina Faso, nombreux sont ceux qui témoignent leur solidarité à l’endroit d’autres personnes. Ils sont généreux, bienveillants et n’hésitent pas à voler au secours de leur prochain en difficultés. Rasmata Konfé est de ceux-là. A travers son association la Perche de l’Inclusion, créée en 2014 et officialisée en 2016, elle vole au secours des orphelins, des filles mères et d’autres personnes démunies. Handicapée moteur, dame Rasmata parcourt le Burkina Faso pour porter assistance à celles et ceux qui sont dans le besoin. Rejetée par son père depuis son enfance parce qu’handicapée, Rasmata Konfé dit avoir connu d’atroces souffrances avec sa mère. Elle s’est donc engagée afin que d’autres enfants ne subissent pas le même sort qu’elle.
Assise sur sa moto tricycle sous un arbre devant son domicile, Rasmata Konfé, entre causerie avec les voisins et les salutations des passants, veille sur les enfants orphelins qu’elle a accueillis dans son association « la Perche de l’Inclusion ». Populaire dans son quartier, Rasmata est connue non seulement pour son franc parlé mais surtout pour sa gentillesse. Mais derrière son sourire angélique, se cache une histoire faite de souvenirs douloureux.
« Mon père m’appelait enfant serpent à cause de mon handicap ». C’est ainsi que Rasmata Konfé a commencé, tristement, son histoire. Aux yeux de son géniteur, son handicap était une malédiction. De ce fait, sa mère, avant d’être chassée de la maison par son père, était régulièrement battue. Parties du domicile familial, sa mère et elle étaient la risée du quartier. Elle raconte qu’elles peinaient non seulement à trouver ne serait-ce qu’un repas par jour mais c’est sous les arbres qu’elles passaient la nuit, à la merci des intempéries. « Quand il pleuvait ma mère me couvrait avec un parapluie », raconte-t-elle d’une voix mélancolique. C’est avec amertume que Rasmata se souvient de ce passé douloureux. Elle affirme n’avoir jamais connu l’amour d’un père et n’a jamais aussi pu appeler quelqu’un ‘’papa’’. Toujours selon elle, elle n’a point connu les fêtes de réjouissance, ni noël, ni anniversaire. Elle et sa mère ont fait face aux mépris et bravé les mauvais regards de la société jusqu’à ce qu’elle grandisse.
Malgré tout, pour la présidente de l’association « la Perche de l’Inclusion », elle n’a jamais vu sa mère se décourager ou se plaindre de leur sort. Elle était toujours optimiste et était confiante que sa fille réaliserait de grandes œuvres. Rasmata dit détenir sa force et sa motivation d’elle.
Quant à son père dont elle estime être à l’origine de sa souffrance, dame Rasmata confie qu’elle avait du mal à lui pardonner mais c’est chose faite désormais. « Je suis sûre que s’il était en vie, il me porterait au dos », a-t-elle confié, sourire aux lèvres.
Depuis lors Mme Rasmata Konfé s’est engagée à redonner du sourire aux enfants à travers son association dont le but est de voler au secours des orphelins, des veuves, des filles mères et d’autres personnes démunies. Pour elle, c’est un combat très difficile car « chaque jour il y a des veuves, des orphelins et des filles avec des grossesses indésirées ».
Concernant les filles mères, son association en héberge actuellement dix-sept avec leurs enfants. En plus de leur prise en charge, elle organise également des séances de sensibilisation à travers des échanges sur des thèmes en lien avec la sexualité, vue que, d’après elle, ces sujets sont rarement abordés dans les familles. Elle s’insurge contre les parents qui blâment leurs filles en les chassant du domicile familial suite à une grossesse. « Ce n’est pas la solution », s’exclame-t-elle tout en appelant les parents à leur responsabilité.
Les femmes démunies ne sont pas en reste
Pour permettre aux femmes démunies d’entreprendre, Rasmata contracte des crédits auprès de certaines structures qu’elle met à leur disposition. D’un montant d’un million de FCFA et d’une durée de dix mois, cet argent est attribué à chaque femme à raison de cent mille (100 000 FCFA) remboursables. Certaines investissent dans l’artisanat notamment dans la fabrication de sacs à main ou encore dans la fabrication de savon. Bref, chacune y va de son savoir-faire. Et la présidente de « la Perche de l’Inclusion » se dit satisfaite du bilan : « Il y en a qui s’en sortent très bien et cela donne de l’espoir et te fait savoir qu’il y a un monde meilleur devant ».
Utilisation des réseaux sociaux comme moyen d’expression
C’est depuis des années que dame Rasmata, mère de deux garçons, est sur le terrain. Elle utilise les réseaux sociaux notamment Facebook pour amplifier sa voix en faveur des orphelins, des filles mères et des personnes démunies. Elle se souvient encore de cet enfant en classe de CP1, handicapé moteur, qui marchait à quatre pattes parce que n’ayant pas un moyen de déplacement. Elle a relayé cela sur Facebook en demandant un vélo et le nécessaire pour lui permettre de poursuivre ses études et 30 mn plus tard, selon elle, des bonnes volontés ont répondu favorablement.
C’est aussi l’histoire d’une fille qui avait un problème de vue et dame Konfé, par le biais des réseaux sociaux, a obtenu des verres correcteurs pour elle. « Ce sont ces actions de solidarité-là qui me donnent le courage de vivre », confie-t-elle toute souriante. Ces genres de situations, Rasmata affirme les gérer au quotidien.
L’association accueille en son sein six orphelins et quarante autres dans des familles d’accueil. A ceux-ci, s’ajoutent des enfants vivant avec un handicap et des enfants démunis. Selon Rasmata, la prise en charge de tous ces enfants n’est pas sans difficultés : « C’est difficile de satisfaire leurs besoins parce que je n’ai pas de partenaires. Ce sont des bonnes volontés qui apportent de temps à autre leurs soutiens ».
Infatigable, Rasmata dit ne pas se considérer comme une personne vivant avec un handicap. « Je ne vois pas mon handicap et je me suis surnommée handicapable, c’est-à-dire handicapée mais capable de faire beaucoup de choses », confie-t-elle fièrement. Ainsi, de son avis, elle doit se battre afin que d’autres enfants n’aient pas à vivre ce qu’elle a vécu. « Que d’autres enfants puissent bénéficier de l’amour paternel et vivre dignement », foi de Rasmata handicapable.
Histoire bouleversante des enfants orphelins…
L’histoire de certains enfants orphelins qu’elle a recueillie est souvent bouleversante. C’est le cas de Ange Eunice. Rasmata raconte qu’elle a été envoyée depuis la Côte d’Ivoire quand elle n’avait que neuf mois. Sa mère est décédée à sa naissance avec son frère jumeau. Son père la rejeta sous prétexte que c’est un enfant maudit. « Comment un enfant peut-il être maudit ? », s’interroge Rasmata Konfé, en colère. Durant le temps de l’entretien la petite Ange Eunice ne cessait de couvrir Rasmata, celle qu’elle appelle affectueusement maman, de câlins.
Salif a 3 ans et demi. Il est orphelin de père et de mère. Sa mère était enceinte de lui lorsque, selon le récit de Rasmata, son père fut assassiné. Sous le choc, les contractions ont commencé occasionnant la naissance de Salif. Si ce dernier a eu la vie sauve ce n’est malheureusement pas le cas pour sa mère qui a rendu l’âme sur le champ. Dame Rasmata l’a recueilli depuis la ville de Titao, une semaine après sa naissance.
Comme Salif, Alia Binta a également 3 ans et demi. Sa mère a été accueillie depuis Ouahigouya avec la grossesse, dans une gare routière où elle s’est écroulée en présence de Rasmata. Cette dernière l’a prise et l’a conduite à Ouagadougou.
Mme Konfé a en partage l’amour du prochain et rêve avoir autour d’elle « les vrais combattants de la paix et de l’inclusion ». Elle souhaite également un monde sans discrimination, un monde où les parents ne chasseront pas leurs filles de la maison à cause de la grossesse. « Si le monde m’appartenait je le transformerais en un monde plus rose, un monde d’amour où les enfants ne seront plus brimés », a-t-elle conclu.
Masbé NDENGAR de Bodo