Mali : l’endogamie, adoubée par les anciens et décriée par les jeunes
L’endogamie consiste à célébrer l’union matrimoniale entre deux personnes de la même lignée voire de la même famille. Pratique ancestrale dans certaines communautés au Mali, l’endogamie rencontre actuellement des difficultés d’être acceptée par tous. Alors qu’elle est censée renforcer les liens familiaux et la stabilité au sein des couples, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer son caractère contraignant pour les conjoints et le foyer.
Longtemps loué et cité en exemple parmi les modèles d’union, le mariage endogène ne fait plus l’unanimité auprès des couples maliens. Cette pratique est courante chez certaines ethnies maliennes telles que les Peulhs, les Soninkés ou encore les Diawando.
Pour les défenseurs de ce type d’union, l’idée est de renforcer les liens de parenté, la stabilité dans le foyer et de perpétuer les valeurs culturelles. L’idée était encrée dans les esprits à tel point que certains jeunes s’amusaient à dire que « les cousines sont faites pour les cousins ». Comme pour dire que ces dernières leur reviennent de plein droit. « Depuis la nuit des temps, il est de coutume que la première épouse d’un jeune garçon soit choisie par son père. Et naturellement, cette dernière est forcément une jeune fille de la même lignée que son époux. Une cousine directe ou lointaine. A défaut, la fille d’une connaissance », fait savoir Mamadou Kanté. Ce Soninké âgé d’une cinquantaine d’années approuve l’endogamie. « C’est un modèle de mariage qui résiste à beaucoup de périodes de turbulence. Pour preuve, mes différends avec mon épouse ne se sont jamais éternisés. Ils ont tout le temps été réglés à l’interne entre familles. Aussi, en ces temps de dépravation, on a su inculquer nos valeurs culturelles soninké à nos enfants bien qu’ils soient des citadins contrairement à nous qui sommes nés dans les villages avant de nous installer à Bamako », a-t-il expliqué.
Si la pratique a connu des beaux jours, elle ne fait plus l’unanimité. De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer le fait qu’elle manque de consensus entre les principaux concernés qui sont les mariés eux-mêmes. « La plupart des cas, toutes les décisions nous concernant sont prises à notre insu. On se trouve mis devant le fait accompli. Dans cette situation, on est obligés d’adhérer à ce projet de mariage pour ne pas frustrer les parents ou déshonorer la famille même si l’on n’est pas partant », fustige, une étudiante, sous couvert de l’anonymat. Pour cette étudiante Diawando d’une vingtaine d’années, les temps ont changé, les mentalités aussi. Selon elle, pour toutes ces raisons, les parents doivent prendre en compte l’avis de leurs enfants au moment de les marier : « La nouvelle génération a une autre vision de la vie un peu décalée de celle de l’ancienne génération. Donc vouloir imposer un mari ou une épouse à sa progéniture peut causer des conséquences désastreuses. Car en cas de différends, aucun des conjoints ne fait l’effort d’aller vers le pardon. Tout le monde se campe sur sa position dans l’optique que ça va aboutir à la séparation pour la paix des cœurs. Les parents doivent réaliser que le cœur est beaucoup plus souple à ses choix que ceux qui lui sont imposés. Autrement dit, on supporte tout ou presque avec la personne de notre choix ».
L’étudiante, sous couvert de l’anonymat, voit l’endogamie d’un très mauvais œil pour avoir été une « victime ». Le foyer devient, poursuit-elle, invivable à cause des violences conjugales interminables malgré des interventions de conciliations incessantes. « Les tentatives de conciliation ne marchent pas parce que les cœurs ne s’aiment pas », argumente-t-elle.
Sans être le pire modèle de mariage malgré les cas de dénonciation, l’endogamie reste d’actualité au Mali avec ses avantages et inconvénients.
Alassane CISSOUMA