Tchad : Poterie de Gaoui, un savoir-faire ancestral à perpétuité
Gaoui, une localité située à une dizaine de kilomètres de N’Djamena, fait vivre son savoir-faire ancestral au féminin. Cette cité est connue pour l’importance que ses habitants accordent à l’exploitation de l’argile. La poterie y est tenue par les femmes depuis les temps ancestraux. Aujourd’hui, nombreuses sont celles qui en vivent. Dame Boutou Moussa en fait partie.
Pendant que les femmes des villages situés en périphérie de N’Djamena vivent de commerce et d'autres activités génératrices de revenus, celles de Gaoui mettent leur joie à valoriser un savoir-faire ancestral : la poterie. Cette activité principalement féminine fait l’identité de ce village où la fabrication des objets à base d’argile est transmise de mère à fille.
A l’âge de 10 ans, Boutou Moussa a été initiée à la poterie qui devient son métier. Auprès de sa mère, elle apprenait à fabriquer des petites jarres ou des vases, des casseroles et des pots de fleurs. « C’est un métier que j’adore beaucoup », affirme-t-elle. C’est assise dans une pièce ornée de nombreuses œuvres de poterie, que Boutou Moussa après le ménage entame sa journée de travail qui court de 10h à 16h. Devant elle, une boule d’argile à laquelle elle donne forme, pendant que les autres femmes du village vaquent elles aussi à leurs occupations.
Certes, la journée est longue, mais cette mère de huit enfants doit atteindre en quantité sa production journalière : 25 à 30 objets à concevoir. A cinquante ans, elle continue à pérenniser ce savoir-faire hérité de sa mère.
Après avoir moulu l’argile noire dans un récipient pour la mélanger à la bouse, dame Boutou doit ensuite avoir recours à l’argile rouge mouillée, avant de procéder à la fabrication. Selon elle, ces différentes étapes consistent à rendre compacte l’argile afin que la production ne soit pas endommagée lors de la cuisson. Il faut préciser que le séchage des produits de poterie bruts se fait en amont de la cuisson. Avant de les entreposer la décoration est assurée par les enfants. « Nous confions l’objet fabriqué aux enfants pour le lissage avec l’enduit composé de pigments et grains de baobab. Cela leur permet d’apprendre certaines techniques, comme à notre temps », confie-t-elle.
Grâce aux revenus tirés de la porterie, Boutou Moussa dit avoir contribué à l’organisation du mariage de quatre de ses filles. Elle reconnait que cette activité l’a aidé ainsi que ses parents. « Nos enfants (filles) doivent apprendre ce travail pour qu’elles soient libres et indépendantes car, si elles ne travaillent pas, elles n’auront pas leur liberté financière », recommande-t-elle. Boutou Moussa souhaite avoir des équipements de protection contre la chaleur que dégage le four et l’énergie solaire pour éclairage.
Avec l’appui des partenaires, la poterie de Gaoui connaît des reformes. Kingui Abakar, présidente du Groupement des Femmes Potières de Gaoui accompagne les autres membres grâce à son ancienneté. Dans cette pièce où se situe le bureau du groupement, la doyenne assiste une adolescente. « Je suis en train d’entrainer cette fille pour que demain elle s’en sorte », confie -t-elle. Fière de son apprentissage, la fillette en formation dit préférer cette activité à d’autres.
La doyenne soutient que la poterie n’est pas une simple activité pour la femme de Gaoui, mais elle représente aussi un trésor. Car argumente-t-elle, à travers cet art, elles arrivent également à apprendre à leurs enfants le savoir-faire culinaire. D’après dame Kingui Abakar, préparer de l’argile, c’est comme préparer de la nourriture. « Une femme qui sait bien exploiter l’argile, maitrise aussi la cuisine. C’est ce que nos parents nous ont fait savoir », se souvient-elle.
Alhadji Bougar MAHAMAT HASSAN