Littérature : Jean Sylvanus Ouali fait échos de la souffrance des populations victimes de l’insécurité
« La société a échoué mais l’espoir est permis ». C’est ainsi que Koba Boubacar Dao, critique littéraire, a résumé le tout premier roman de Jean Sylvanus Ouali lors de la présentation officielle de l’œuvre le 23 février 2024 à Ouagadougou. « Quand passeront nos douleurs », tel est le titre de l’œuvre qui compte 94 pages reparties en 9 chapitres. L’insécurité, la stigmatisation, l’amour du prochain, la tradition, l’entraide, etc. sont entre autres des thèmes qui sont abordés dans ce roman dont l’auteur se distingue par son style et sa qualité littéraire.
Paru aux éditions Bufac au Burkina Faso, le roman « Quand passeront nos douleurs » dépeint la situation sécuritaire dans la région de l’Est dont l’auteur, Jean Sylvanus Ouali, est originaire. Dans cette œuvre qui se lit comme un feuilleton et qui embarque à la fois dans des anecdotes et de l’humour, dans le drame et les intrigues, l’auteur anime le récit en donnant la parole aux jeunes filles qui racontent les atrocités qu’elles ont vécues.
Siema, personnage principal, est devenue par la force du destin élève déplacée interne. Il ya également dans ce roman Penda, une fille peule, victime de la stigmatisation, Ursula et Wendenmi, respectivement filles de gendarme et de VDP (Volontaire pour la défense de la patrie). Ces derniers sont au front afin que des enfants comme Siema n’aient plus à fuir.
Si l’auteur a décidé de donner la parole aux enfants afin qu’elles racontent leur ressenti c’est parce que, selon Koba Boubacar Dao, les adultes ont échoué. « C’est à travers ces enfants qu’on a la vision du monde », dira le critique littéraire.
Genre romanesque avec des fragments de poésie et de chansons, « Quand passeront nos douleurs », entre suspens et rebondissements, est selon l’auteur, une sorte de thérapie contre le mal dont il est témoin dans sa localité et un peu partout au Burkina Faso. En effet, cette œuvre fait échos des cris étouffés par la douleur. Cette douleur endurée par le corps jusqu’au plus profond de l’âme. C’est le récit d’une tragédie humaine sans raison que Jean Sylvanus Ouali porte aux yeux de l’humanité.
En effet, c’est un vendredi, peu avant midi, que la vie de Siema a basculé à jamais. La horde de malfrats, enivrés par le mal ont mis à feu et à sang Kàlmànma, village autrefois paisible de Siema. Un beau village qui renvoie de l’air frais, puisé dans la nature verdoyante et surplombé par une colline qui lui restitue toute sa splendeur. Mais cette tranquillité paradisiaque a cédé la place à la terreur, contraignant les habitants à ’’l’exil’’. Un voyage vers l’inconnu et l’incertitude. Une inquiétude dans un monde d’étourdissements où le rêve est devenu cauchemar.
Dans une folle course de survie, ils arrivent à Nùngu où la jeune fille découvre une autre vie. Ce site des déplacés où se joue un drame humanitaire, manque de tout.
« Quand passeront nos douleurs » c’est aussi une immersion dans les traditions africaines et la promotion des langues nationales. Il n’est pas rare de lire des textes en prose ou en poésie en langues mooré, en gourmatchéma ou en fulfuldé.
Dans son roman, l’auteur s’érige en défenseurs de ces populations, victimes de l’insécurité et de l’horreur. Le préfacier, Dr Bendi Benoit Ouoba, linguiste, invite dans le même esprit, les concitoyens à avoir une pensée pour ces personnes qui traversent des moments difficiles dans ce contexte d’insécurité.
« Quand passeront nos douleurs », n’est pas que le récit d’un drame. Il résonne également comme un hymne d’espérance pour tout un peuple débout contre le mal. C’est un roman qui laisse entrevoir une lueur d’espoir. « Dans l’obscurité de l’adversité, seul l’espoir est réel », peut-on lire à la page 36. Et l’auteur de conclure que quand les hommes s’aimeront, les douleurs passeront.
Masbé NDENGAR de Bodo